C’est filmé depuis l’autre bord, depuis après la mort. On dira : le crépuscule n’est pas vraiment une nouveauté chez Resnais. Le décor est celui d’un sépulcre, une salle de projection très exactement rétrofuturiste où les fantômes viennent «à notre rencontre», pour reprendre la fameuse citation de Murnau, donnée au seuil du film.
On pourrait croire que c'est le mythe d'Orphée. Le titre serait alors une plaisanterie. Vous n'avez encore rien vu : même en ouvrant les yeux comme le poète aux enfers, même en perdant votre femme par imbécillité (et parce que les dieux en ont décidé), cela ne suffit pas. Il y a encore un au-delà de la perte la plus absolue. Et puis, bien sûr, «tu n'as rien vu à Hiroshima», citation du premier long métrage de Resnais - on en aperçoit une affiche à un moment, sur un mur d'arrière-plan : la boucle est bouclée. En somme, la «relève» du réel par l'art n'est pas assurée comme sur des roulettes ni comme, par exemple, dans Vacances prolongées de Joahn Van der Keuken, sacrifice assumé dans l'œil de la caméra avant de mourir - parmi tous les films qu'a inspirés le mythe orphique.
Antoine d'Anthac (Denis Podalydès), écrivain de théâtre, a convoqué post-mortem tous les acteurs qui ont interprété son Eurydice (en réalité un texte d'Anouilh, inséré du coup dans une autre pièce du même, Cher Antoine ou l'amour raté) pour leur demander de juger si des acteurs débutants «sont dignes de reprendre les rôles où vous vous