Ecrire la biographie de Jean Renoir avait tout d'une drôle d'idée tant la vie du personnage semblait ne dissimuler aucun mystère particulier. Pas un cinéaste français, probablement, n'a fait l'objet d'autant de commentaires et d'écrits biographiques, à commencer par ceux rédigés par lui-même, et aucune autre œuvre que la sienne n'a été aussi méthodiquement analysée. Or, au bout du millier de pages du livre de Pascal Mérigeau, journaliste au Nouvel Obs, c'est précisément le caractère insaisissable du réalisateur, en décalage par rapport à une légende qu'il s'est lui-même bâtie, qui prédomine.
Duce. Avec un goût du détail qui a nécessité cinq années de travail, Mérigeau a mis bout à bout chaque pièce disponible, rencontré les rares témoins survivants, utilisant notamment la masse de documents conservés à l'université de Californie à Los Angeles, où Renoir a passé la seconde partie de sa vie. Le résultat forme une chronologie aussi précise que possible, parfois au jour le jour, sans occulter les trous ni les incertitudes. Un travail colossal mais indispensable pour éclairer une vie et une œuvre bourrées de turbulences et d'incohérences difficiles à comprendre hors de la continuité de leur époque.
Deux longs passages illustrent cet aspect troublant. Le premier concerne les quelques mois qui entourent le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Renoir, grand bourgeois parisien, riche et déjà mondialement célèbre, devenu l'un des hérauts du Front popula