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Libération
Critique

«Pirogue», galère de la peur

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Moussa Touré livre une odyssée dramatique sur l’exil maritime d’Africains vers l’Europe. Grave et, malheureusement, prévisible.
(DR. )
publié le 16 octobre 2012 à 19h06

Il est délicat d'aborder certains films dont la gravité et l'actualité du sujet rendent dérisoire toute autre considération. La Pirogue aurait pu être un documentaire sur une tragédie qui se déroule chaque jour, dans une indifférence quasi générale. Il est le récit d'une odyssée en mer au cours de laquelle une trentaine d'hommes (et une femme en passager clandestin) tentent de rallier l'Espagne en partant de Dakar à bord d'une grande barque de pêcheurs. Ils viennent de différentes régions du Sénégal ou de Guinée et risquent leur peau sur ces esquifs parce que, «en restant au pays, tu es sûr à 100% de rater ta vie» comme le dit l'un des personnages. Ils n'ignorent pas que l'Europe est en crise, que le travail - s'il y en a - sera dur et qu'ils seront très mal accueillis. Mais ils n'ont pas le choix.

Moussa Touré a donc choisi d'en faire une fiction à forte vertu pédagogique, comme pour souligner le caractère dramatique d'un phénomène auquel personne ne peut, ou ne veut vraiment, mettre un terme. En cela, la Pirogue rappelle une veine prolifique du cinéma mexicain, hanté lui aussi depuis quarante ans par cette malédiction de l'exil massif de sa population, au point de devenir un genre à part entière, autour d'un territoire (les postes frontières fortifiés, les barbelés, le désert, les minutemen, la rivière…) et d'une infinité de personnages donnant lieu à autant de variations.

La rareté des films africains, hélas, interdit d’aller plus loin da