Le critique de cinéma Jacques Zimmer, coauteur de l'encyclopédie le Cinéma X, revient sur le phénomène d'Emmanuelle dans les années 70.
Comment expliquer le succès à l’époque d’Emmanuelle ?
Emmanuelle est un film très important, mais j'ai encore du mal à expliquer son succès. L'érotisme présenté est assez banal, délibérement soft, il n'y a pas d'actes sexuels non simulés. C'est un peu l'érotisme Club Med, à l'étranger, en Asie, avec des belles images oniriques. Le film reste tout de même assez misogyne. La femme objet évolue dans un univers de carte postale où elle n'a rien d'autre à faire que de jouer au tennis et d'enchaîner les amours éphémères. Sylvia Kristel, elle-même, des années plus tard, jugea que le personnage d'Emmanuelle n'était «rien», qu'il n'avait aucune consistance.
Une des raisons de ce succès est sans doute la censure. Avant sa sortie, il a été totalement interdit par la Commission de surveillance pour deux raisons. La première est l'accusation d'orgie. Ce n'est pas faux, il y a des scènes d'amour en groupe. La seconde est celle «d'accouplements anormaux», et là c'est un peu plus ambivalent. Etaient-ce les relations homosexuelles entre femmes, ou bien plutôt les rapports sexuels «interraciaux» ?
Quelles sont les scènes qui dérangaient ?
Deux particulièrement. Une de sodomie d'Emmanuelle, simulée évidemment. L'autre est la fameuse séquence de la cigarette qui n'est pas jouée par l'actrice principale mais une figurante. C'est un numéro de cabaret qui consiste pour un modèle à fumer une cigarette avec un orifice