Les chauffeurs de taxi à Tokyo portent des gants blancs et leurs véhicules roulent dans un silence de carrosse pneumatique. C'est l'un d'eux qui a renversé, mercredi soir, le cinéaste rebelle, écorché et agressif, Koji Wakamatsu dans le quartier qui ne dort jamais de Shinjuku. Hospitalisé, il est finalement décédé à 76 ans, laissant derrière lui 105 films particulièrement corrosifs, dont les titres sont à eux seuls des incantations contre la prudence et les bonnes mœurs : Désir obscène, viol sauvage ; Slip fendu : adolescents en pleine puberté ; Morceau cubique humide ; Histoire de la violence de l'underground japonais : le sang de l'homme étrange ; Va, va, deux fois vierge ; Quand l'embryon part braconner…
Machiste. Né en 1936, Wakamatsu est renvoyé de la première année de lycée agricole. Il a 18 ans, devient l'homme à tout faire d'un clan yakusa à Tokyo et finit en taule. Six mois à l'ombre qui lui inculquent une rage inextinguible contre les flics, la société, l'autorité : «Une énorme colère m'a poussé à me lancer dans le cinéma. Aujourd'hui encore, la colère est le moteur de toutes mes activités.» Il fait alors des petits boulots à la télé et c'est un soir, arrosé au saké, qu'un producteur lui propose de réaliser un film érotique : «Il voulait des filles nues, filmées de dos [on est en 1966, ndlr]. Pour le reste, je pouvais faire ce que je voulais, même un film politique.» Le genre en vogue du pin