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Libération

Le couple jusqu’à l’hallali

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Trintignant et Riva poussent à l’épure extrême, violente, la conclusion d’une vie fusionnelle.
publié le 23 octobre 2012 à 19h07

Entre autres bénéfices philosophiques, Amour, huis clos à cœur ouvert, fait circuler un courant d'air qui oxygène la notion de conjugalité. Anne et Georges sont un couple certifié. Par les lois du mariage - on dit d'eux monsieur et madame Laurent -, par le temps - on imagine, puisqu'ils sont vieux, que cela fait un bail qu'ils coexistent - et par les règles de la famille - ils ont une descendance, une fille, Eva. Mais cette identité ordinaire est contrariée par une insurrection, la mort d'Anne, son avenir, dont le programme est cliniquement décrit par Georges à sa fille : «Ça se passera comme ça s'est passé jusqu'ici. Ça ira de mal en pis.Ça durera et puis un jour ça sera fini.»

Noce. «Ça», dit Georges pour matérialiser l'innommable. Mais «ça», à mille lieues, au minimum, de la psychanalyse, c'est aussi une autre chose qui s'échappe au moment même où on l'expérimente. Au fil du film, Anne et Georges cessent d'être un couple au sens classiquement redondant du terme. A l'épreuve de l'épreuve, ils se métamorphosent en deux musiques qui harmonisent leur désaccord parfait. L'extinction progressive de l'une, bientôt résumée à un seul bruit - «mal» - va favoriser les paroles croissantes de l'autre, qui ne poussent pas comme un arbre, de racines en ramifications, mais se répandent comme une «mauvaise» herbe, dans les failles de la défaillance, entre les trous du silence. Une façon pour lui de dialoguer pour deux, de poser des questions fata