Par un savoureux hasard, voila qu'au moment même où George Lucas cède son royaume à Disney pour un pactole de 4,05 milliards de dollars (3,1 milliards d'euros), son deuxième film, American Graffiti, est de retour en salle (au cinéma Mac-Mahon, à Paris). C'est amusant car ce film, tourné en 1972, est une bonne occasion de se rappeler d'où vient le cinéaste et en quoi son film, avant même l'écriture de sa saga galactique, amorce un virage qui finira par enterrer un cinéma américain contestataire alors en pleine forme.
D'emblée, American Graffiti pose un décor nostalgique en rupture avec l'époque où il est tourné. Il met en scène «un monde parfait», comme dirait Baudrillard, celui d'un été 1962 où l'Amérique était au sommet de sa puissance et de sa séduction. Kennedy ne pensait pas encore aller à Dallas et la guerre du Vietnam n'était encore qu'une légère expédition militaire.
Mauvaise foi. Déambulation nocturne tristounette, émaillée de moments relevant de la comédie, American Graffiti possède une longueur d'avance sur la plupart de ses contemporains. Plus tard, c'est sur ce modèle que seront construits la plupart des teen movies, genre sacro-saint à Hollywood, depuis les années 80 jusqu'aux productions de Judd Apatow aujourd'hui. Surtout, ce qui domine chez Lucas, c'est le désir de rompre avec une contre-culture dont il était un des porte-parole les plus virulents. A l'époque de la sortie du film, Lucas déclarait : «Cela