Hanna marche lentement, le fessier large, les jambes lourdes, terriennes. Et quand elle ne marche pas, elle prend son étrange vélo à trois roues et pédale dans les étroites allées qui sillonnent les pelouses impeccables du kibboutz. De l'aube violette qui descend dans la vallée à ses nuits d'insomnies où elle sort faire quelques menues besognes, tailler une haie, planter des godets de jeunes pousses à la lumière des néons d'un hangar, lancer un arrosage, humer le silence, Hanna va, vient, se bat pour exister. Elle refuse cette retraite qu'on lui impose, rejette le «c'est à moi, c'est à toi», se cogne sans cesse au «changement», mot qui désigne en hébreu la privatisation des kibboutz engagée depuis les années 80 pour de multiples raisons, la principale étant le surendettement. «J'ai beaucoup de travail», ment-elle. Hanna est vieille, doublement, car le monde qu'elle a porté, jeune pionnière, vacille avec elle.
Film sobre signé par la jeune réalisatrice israélienne Hadar Friedlich, Beautiful Valley raconte l'usure d'une femme, octogénaire, et d'une utopie sociale qui fut emblématique du sionisme socialiste, avec pour devise : «Chacun travaille selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.»
Chéquier. Hors champ, les décors habituels des fictions israéliennes - la ville, la guerre, les Palestiniens, la famille étouffante, les orthodoxes, les hystéries d'une société sous pression. Happé par le regard calme d'Hanna qui sillonne le