Fin octobre, au festival Lumière à Lyon, Mark Cousins était venu présenter son documentaire géant The Story of Film : une histoire du cinéma. Un film de quinze heures brassant toute l'histoire du cinéma, découpé en épisodes d'une heure rassemblés en un coffret DVD qui vient de sortir (1) et dont l'intégrale sera diffusée bientôt sur Canal +. Avec son allure de rock star, cheveux en bataille et tatouage bicolore «Eisenstein» sur l'épaule, le critique irlandais de 47 ans ne passe pas inaperçu. Ce n'est pas la seule singularité du personnage qui assume avec panache l'ambition vaguement délirante de son film et de ses choix, tantôt classiques et sans surprise, tantôt discutables et, du coup, intrigants.
Formellement, l'objet est un peu déconcertant. Plombés par un générique à la National Geographic (et une voix off sur le registre du «beau voyage au pays du merveilleux»), les lancements de chapitre sont un brin laborieux. Le découpage chronologique, cohérent et classique, est une autre contrainte qui oblige l'auteur à baliser l'atmosphère de l'époque, s'infligeant des simplifications et des raccourcis parfois sévères («Les Années 30 en Pologne sont des années difficiles qui s'achèvent par l'invasion des troupes nazies»).
Toutefois, dès qu'il sort des canevas obligatoires (l'invention du gros plan, l'apparition des films de genre dans les années 30, etc.), empruntant des chemins de traverse surprenants, Mark Cousins construit un labyrinthe narratif fait de vitesse