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Critique

Abel Ferrara, karma prolixe

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Bulles . Sous perfusion d’eau gazeuse, le cinéaste ex-junkie s’épanche sur ses nouvelles passions : bouddhisme, Strauss-Kahn et fin du monde.
publié le 18 décembre 2012 à 19h06
(mis à jour le 19 décembre 2012 à 10h41)

«Qu'est-ce qu'il boit comme Perrier, cet homme-là !» Sans pourtant l'identifier, la serveuse est médusée. Voilà une heure qu'est attablé cet Américain voûté sur son couscous. Une heure à palabrer sans desserrer la mâchoire, d'une voix granulée, comme étranglée au fond de la gorge, ne s'interrompant que pour recommander une bouteille d'eau gazeuse aussitôt la précédente vidée de moitié, soit à peu près tous les quarts d'heure. Dans un anglais haché d'innombrables «You know ?», «You dig ?» et autres «You know what I mean. It's kind of, you know…», le type parle beaucoup, de karma, de DSK, parfois même de cinéma. C'est Abel Ferrara.

Il y a quelque temps déjà que circulait la préoccupante rumeur selon laquelle le cinéaste new-yorkais aurait remisé ses addictions délétères pour y substituer philosophies orientales et eaux minérales. On peinait à le croire, c'est pourtant vrai, Ferrara a changé, viré complètement baba. Il enchaîne désormais les interviews sans esquive, irriguées d'hectolitres de Perrier et de café au lait - on ne se défait jamais d'une dépendance que pour une autre . L'ex-junkie céleste du Bronx cite le dalaï-lama, s'inquiète presque sans malice du sort de la vieille presse («Il reste quelques journalistes chez vous ?») et s'ébaubit même des charmes discutables du Montmartre dysneylandisé des Abesses. Sa jeune et rousse compagne, également actrice et infirmière personnelle qui le suit partout, Shanyn Leigh, trouve les so