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portrait

Bernadette Lafont, sans vague à l’âme

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Au début de l'année, «Libération» avait fait le portrait de la comédienne, décédée jeudi à l'âge de 74 ans.
Bernadette Lafont, le 7 janvier 2013. (Roberto Frankenberg)
publié le 14 janvier 2013 à 19h06
(mis à jour le 25 juillet 2013 à 17h35)

Elle est ces jours-ci Paulette, dans une comédie néoréaliste éponyme. Paulette est vieille, veuve, aigrie, déclassée, glaneuse honteuse qui, poubelles faites, se replie dans son trou, un appartement décati dans une barre HLM sinistre à se tirer une balle. L’expulsion la guette, pour retards de loyer. Des jeunes tiennent les murs, elle les déteste (la vieille conchie tout le monde, surtout les non-Blancs comme son gendre flic qu’elle rebaptise «Bamboula» ou «Oussama») mais quand l’occasion se présente, elle s’immisce sans ciller dans leur trafic de shit. Et Paulette de reprendre du poil de la bête…

Bernadette Lafont est parfaite, en Paulette. Tout à fait probante, ingratitude de la première partie comprise : grisonnante, regard méchant, figure pincée, fiel au bord des lèvres. Quel beau travail de composition, se dit-on. Car même à 74 ans, on ne l'imagine que solaire, vivace ad vitam. Si bien qu'on lui soumet assez vite et sans vergogne le mot de Chateaubriand : «La vieillesse est un naufrage.» Or, elle : «Ah mais c'est une lapalissade ! Physiquement, c'est quand même pas drôle, on manque d'énergie, y'a des douleurs… En même temps, on peut lutter contre ça. C'est la phrase d'Eluard "le dur désir de durer."» Chez elle, durer a pourtant l'air d'aller de soi. «C'est que je n'aime pas faire pitié. Par ailleurs, j'ai toujours beaucoup aimé l'effort physique, ça vous donne de la tenue et de la résistance, et passer de l'autre côté de la douleur, ça fait du bien.