Depuis toujours, Steven Spielberg l'éternel gentil garçon, utilise le motif de la guerre pour exorciser le pessimisme qui sommeille au fond de lui. La boucherie du Soldat Ryan, le dickensien Empire du soleil, la farce 1941, la fresque Cheval de guerre, voire la Guerre des mondes, constituent quelques-uns des accès de noirceur du cinéaste. Comme si, au regard du reste de sa colossale production, Spielberg avait besoin, de temps en temps, de faire sauter la soupape de son inavouable misanthropie à grands coups de canons et de corps déchiquetés.
Dilemme. Cette incursion dans le grand drame américain de la guerre de sécession n'est donc pas une surprise. En revanche, la manière dont Spielberg s'y prend est plus intrigante. Contrairement à ce que supposerait son style, ses moyens et les attentes de son fan-club, il n'y a pas, dans Lincoln, l'ombre d'un moment de bravoure en forme de bataille, de mouvement de foule ou de reconstitution grandiose. Tout se déroule dans une succession de huis clos, traduisant à la fois l'imperméabilité inhérente à la fonction de chef d'Etat, surtout en période de guerre, et la souffrance solitaire d'un dilemme. Pour aller à l'essentiel, Lincoln doit choisir entre mettre fin à un massacre qui dure depuis quatre ans ou, avant que les négociations ne commencent avec les Etats sudistes, éradiquer définitivement le système de l'esclavage sur l'ensemble du territoire. Pour ce combat, Lin