Une pièce nue, une jeune mère et un homme plus âgé, un combattant de Dieu grièvement blessé d’une balle à la nuque non pas en luttant pour sa foi ou son pays, mais à cause d’une injure qui a provoqué une fusillade. Autour de la maison, la guerre rôde, la guerre civile des années 90 quand s’affrontaient à Kaboul des bandes rivales de moudjahidin qui, après avoir chassé les troupes soviétiques d’Afghanistan, se disputaient la dépouille de la ville comme des chiens enragés.
Après quelques images, nous sommes déjà loin des clichés exotiques dont nous a nourris la littérature occidentale sur la geste insolente du guerrier afghan, la place de l’honneur au cœur des traditions, la somptuosité des paysages… Il n’y a plus que le nu de la vie, à ras du sol de la petite pièce, sous la tutelle aveugle d’un Coran sur une étagère. Le héros, celui qui n’avait jamais pu résister à l’appel de la guerre, n’est plus qu’un agonisant, dont la jeune épouse doit surveiller la perfusion, qu’elle doit laver, tout en récitant les 99 noms de Dieu parce que le mollah assure que la prière peut aider son mari à sortir du coma. Il n’est plus qu’un chef foudroyé, incapable de chasser la mouche qui se promène dans sa bouche. Il ne fait plus peur. Il ne peut plus ni injurier ni frapper.
Torrent de rage. Alors, la parole de celle qu'il n'écoutait jamais, qui était dépourvue de condition humaine, qu'il regardait comme un «morceau de viande», destinée à lui donner des fils et