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Libération

Déchaîner les passions

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publié le 1er mars 2013 à 19h46

Les sociétés démocratiques contemporaines ne se sont pas encore donné un régime de passions à leur mesure. Alors que nous ne cessons de cultiver notre individualité et notre singularité, que nous exigeons les mêmes droits et libertés dans tous les domaines de la vie, nous nous possédons, nous nous dégradons, nous nous rendons esclaves les uns des autres en matière amoureuse. Et, plus l’objet de notre passion est idéalisé, adoré, hissé au statut d’idole, plus nous avons tendance à le considérer comme une sorte d’animal domestique et à nous laisser construit par lui comme tel. Certes, nos lois tentent d’amoindrir ce processus en pénalisant très sévèrement les violences conjugales. Or, cette question dépasse le problème des agressions  caractérisées. Elle concerne des processus psychiques fondamentaux liés à la manière dont nos sociétés conçoivent le phénomène amoureux, notamment comme un rapport fusionnel et donc inégalitaire.

En effet, lorsqu’on ne sait plus distinguer le soi de l’autre, lorsqu’on pense que sa main, son cerveau sont peut-être les nôtres et inversement, peut-on imaginer une quelconque forme d’égalité dans une relation d’amour ? Lorsque nous pensons que nous sommes à lui et lui à nous, que pouvons-nous attendre d’autre qu’une espèce de despotisme, esclavage, servitude, d’autant plus atroces qu’il sont désirés et consentis ?

On pourrait penser que notre idéologie amoureuse est héritière des normes qui organisaient la conjugalité légale d'autrefois, alors que cette