Menu
Libération
Critique

«Le Ciel et la Boue» : ivres de la jungle

Article réservé aux abonnés
Tintin. «Le Ciel et la Boue», docu de 1962 sur la piste des «cannibales coupeurs de tête» de Nouvelle-Guinée.
Le documentaire ramené de Nouvelle-Guinée par Pierre-Dominique Gaisseau a reçu un Oscar en 1962. (Photo DR)
publié le 19 mars 2013 à 19h06

En 1996, une dizaine d'anthropologues spécialistes de la Papouasie-Nouvelle-Guinée signaient un texte de protestation contre un documentaire de Jean-Pierre Dutilleux diffusé sur TF1 relatant sa rencontre d'homme occidental avec une population primitive intouchée et vivant comme au temps de l'âge de pierre. Le groupe de chercheurs (dont l'éminent Maurice Godelier, maître-assistant de Claude Lévi-Strauss et grand spécialiste des Baruyas) s'étrangle devant ce qu'ils considèrent être une supercherie : «Le film traite d'un faux événement donnant de surcroît de ce groupe de Nouvelle-Guinée une image artificielle, aussi absurde que scandaleusement méprisante et raciste.»

Vierge. Le Ciel et la Boue, film de Pierre-Dominique Gaisseau, qui fut présenté au Festival de Cannes en 1961 et reçu l'oscar du meilleur documentaire en 1962, a peut-être suscité des vocations d'anthropologues, mais il ne peut être regardé comme un document savant. Le projet d'exploration filmée d'une vaste zone de la partie de la Papouasie qui est encore à l'époque sous le contrôle des Néerlandais participe plutôt d'un imaginaire aventurier dans la lignée du Monde perdu de Conan Doyle ou des romans de Jules Verne. Gaisseau et son équipe sont fascinés par cette île «deux fois grande comme la France, à peine émergée du chaos des origines et dont la carte comporte de nombreuses tâches blanches».

Pourtant, lorsqu’ils s’y rendent, le territoire n’