Tout a été dit en une phrase, signée Jean-Luc Godard : «Dans le temple du cinéma, il y a des images, de la lumière et de la réalité. Paradjanov était le maître de ce temple.» Pas facile, après ça, de passer derrière. A moins de la jouer modeste, entre voiture-balai et carafe à décantation. Prendre la phrase et la réévaluer, chaque mot et le rééclairer à la lumière du coffret Sergueï Paradjanov que les Editions Montparnasse ont l'excellente idée de publier.
«Temple»
Que le cinéma soit un temple est affaire de conviction mais aussi de langage. C'est une métaphore pour dire le sacré. Cela insinue aussi l'idée du cinéma comme religion : une instance qui créé du lien entre ses fidèles, qui ne sont pas forcément, pas simplement, les cinéphiles. Mais le cinéma de Paradjanov, lui, relève d'un mysticisme qui ne se discute pas, et pas seulement parce qu'y pullulent les moines noirs et les nonnes blanches, les chapelles et les processions, les icônes et les crucifix. Tous les films de Paradjanov sont innervés par une même grandiose illumination. Sa vie elle-même, sa liberté tragiquement mutilée, dessinent un sacerdoce de saint : emprisonné sous Staline, puis sous Khrouchtchev, puis sous Brejnev, Sergueï Paradjanov aura passé huit ans dans des camps dits «à régime sévère» et aura été empêché de tourner pendant quinze ans, au cours desquels il peint, colle, découpe et fabrique quantité de choses : «Mes mains ne s'arrêtaient jamais.»
Le christianisme orthodoxe de Paradjanov, sensue