C'est un hasard aussi malicieux que frappant du calendrier des sorties qui fait se présenter à nous, côte à côte, les films de Wong Kar-wai (lire pages I-III) et de Gus Van Sant, soit les cinéastes qui ces vingt dernières années furent peut-être les plus brillants stylistes. L'un et l'autre décrochés des cimes de leur inspiration (les nineties de Chungking Express, les années 2000 d'Elephant) dérivent depuis sur des pentes sans cesse plus divergentes : tandis que le Hongkongais poursuit sa quête inflationniste de style, au risque de sa glaciation, l'Américain semble tendre vers une forme d'épure tout aussi radicale au classicisme chaleureux. Promised Land s'inscrit ainsi en prolongement de ce geste d'effacement esquissé depuis Harvey Milk , en même temps qu'il marque ses retrouvailles avec Matt Damon, quinze ans après Will Hunting.
Tendre. L'acteur en est une nouvelle fois le coscénariste, et il en fut d'ailleurs aussi un temps le réalisateur annoncé, pour ne céder sa place qu'à quelques semaines du tournage. Promised Land s'échafaude ainsi sur un double renoncement, celui de l'acteur à se mettre en scène lui-même et celui du cinéaste au modernisme en grandes formes de ses chefs-d'œuvre passés. Du renoncement, le récit du film fait justement sa grande affaire : Damon y joue Steve, fils de fermier et agent d'un empire énergétique, qui clame à qui veut l'entend