Quelque chose de son aura de grand sublimateur pop et poétique de nos climats intérieurs a beau s'être égaré dans les tortuosités et les caprices des tournages de films moins aimés que ses chefs-d'œuvre nineties, même à 56 ans et cloîtré pour la journée dans la cage tout confort climatisée d'un palace parisien, Wong Kar-wai ne lâche rien de son habitus de sphinx rock à la jeunesse sans âge. Inamovibles sunglasses after dark, épais nimbe de fumée nicotinée, placidité d'une parole parcimonieuse qui ne se donne pas sans regimber, retranchée derrière la tiédeur policée de préceptes mystico kung-fu. Et comme il semble, malgré sa nonchalance, se méfier autant de nos questions que des réponses qu'il pourrait y apporter, un entretien avec lui a toujours quelque chose du bras de fer retors : il faut donc lutter, faire sauter bien des verrous, pour que ce cinéaste de l'hypermaîtrise se mette finalement à nous parler vraiment, et que, soudain, il ne soit alors plus question que de lâcher prise et d'abandon.
Il y a plus d’une dizaine d’années que le projet The Grandmaster traînait dans vos tiroirs…
En 1996, je flânais dans une gare de Buenos Aires où nous tournions Happy Together, et j'ai aperçu le visage de Bruce Lee en couverture d'un magazine. J'avais toujours adoré ses films, mais