Drôle d'ambiance à Cannes. Et, pour une fois, la pluie qu'on annonce en abondance n'y est pas pour grand-chose. C'est plus grave : le cinéma français a le cafard. Depuis décembre et le coup de chaud de Vincent Maraval, le patron de Wild Bunch, dénonçant les cachets faramineux de quelques comédiens dans une tribune du Monde, la profession semble s'être réveillée avec des symptômes de grand malade. Il ne se passe pas une semaine sans que cinéastes, producteurs, techniciens, à titre individuel ou regroupés en syndicats, ne s'expriment sur les dangers qui menacent le cinéma français à grands coups de pétitions et de vibrants appels aux pouvoirs publics.
Pourtant, il y a moins de deux ans, cette même industrie affichait une insolente bonne santé. La fréquentation en salles atteignait des sommets jamais approchés depuis les années 60 (plus de 200 millions de spectateurs par an), le nombre de films français dépassait les 230 unités annuelles, le tout sanctionné par une pluie de récompenses, parmi lesquels les inaccessibles oscars américains pour The Artist de Michel Hazanavicius. Et chacun y allait alors de son couplet sur le système le plus vertueux du monde où les plus grands succès en salles contribuent à financer une large diversité de films via un fonds de soutien, où les chaînes télé, loin de phagocyter le cinéma, ont l'obligation d'investir une partie de leur chiffre d'affaires dans la création, où les collectivités locales participent aussi à l'effort colle