Spielberg ? On aurait de bonnes raisons de lui en vouloir. Briseur de rêves et de traditions, il a décliné l'interview dont Libération lui a fait la demande, là où tant d'autres présidents de jurys cannois avaient accepté l'exercice. Nous ne sommes pas les seuls à être retoqués : d'autres grands médias ont essuyé le même refus, et cela console un peu. Mais, au fond, avons-nous besoin d'être consolés ? Pas tant que ça : il existe autour de la personne de Steven Spielberg une forme d'exceptionnalité qui rend indulgent.
Arrivé lundi soir à l'aéroport de Nice, où il a signé des autographes avec un sourire légèrement enivré de jet-lag, Spielberg est accompagné à Cannes d'une tribu nombreuse, mêlant famille, amis et affaires. Hier, l'une de ses filles fêtait son anniversaire, et le cinéaste américain, fidèle à son credo familialiste, a déclaré vouloir lui consacrer tout son temps. Mais, au-delà de ce contexte privé et de l'alibi à demi convaincant qu'il lui fournit, il est assez facile d'expliquer pourquoi celui qui va présider le jury du 66e Festival de Cannes souhaite tant mesurer ses déclarations publiques. Ce que Spielberg évite, c'est l'écrit. Grand obsessionnel du contrôle, il préférera toujours s'exprimer à la radio (il a accepté une invitation d'Europe 1) ou à la télé (un 20 heures et un Grand Journal de Canal + ne sont pas exclus) plutôt que dans la presse écrite, parce qu'on ne peut pas contrôler la transcription (et de surcroît la traduction)