Il n’y a qu’un vrai reproche que l’on puisse faire au dernier film de Marcel Ophuls, mais il serait cruel et paradoxal : ce serait de regretter qu’il l’ait lui-même signé. Pourquoi ? Parce que, justement, Un voyageur est une autobiographie… Bien sûr, Ophuls est un sujet en or pour un documentaire, et le chapelet des pans de sa vie dévoilés par ce film suffit à lui donner une amplitude romanesque qu’atteignent peu de fictions. Mais il y a évidemment un formidable écart entre la «matière» représentée par la vie, l’œuvre et le personnage d’Ophuls telle qu’un documentariste tiers pourrait un jour l’aborder, et le registre de l’autoportrait. Cela suppose un cadre resserré, celui du vis-à-vis en miroir dans lequel s’engage l’artiste, et auquel on s’ajuste d’ailleurs très vite.
Comme son titre en glisse l'indice, Un voyageur est un film migrateur, qui revisite quelques-unes des places fortes de l'existence du fils de Max Ophuls, dont il sera aussi beaucoup question. Paris, New York, la Suisse et Londres sont les toiles de fond notables des confidences et retrouvailles du vieux cinéaste, toujours mordant à 85 ans. Un mental d'acier semble avoir été le casque protecteur de toute sa vie. Et il fallait sans doute des trésors de vitalité, de causticité, peut-être de férocité pour tout traverser en gardant ce même insolent pendule humain : le fardeau grandiose du nom du père, le tumulte de la Seconde Guerre mondiale, la collection de maîtresses et l'adoration d'une femme, le