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CRITIQUE

L’envie d’«Adèle»

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Les critiques du Festival de Cannes 2013dossier
Cœur. Le film d’Abdellatif Kechiche est celui que Cannes attendait : le portrait d’une passion entre deux filles. Eblouissant.
publié le 23 mai 2013 à 22h16
(mis à jour le 26 mai 2013 à 21h33)

«Je m'en allais avec un cœur à qui il manquait quelque chose, et qui ne savait pas ce que c'était», ânonne une lycéenne, la Vie de Marianne de Marivaux à la main, lors de l'une des jolies scènes d'explication de texte qui émaillent le début du nouveau film d'Abdellatif Kechiche. «Mais qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire, qu'il "manque quelque chose au cœur" ?» lance le prof de français à sa classe, et à nous spectateurs avec.

Ce qui manque au cœur du Festival de Cannes, ce lieu où l'on étouffe si vite dès lors que l'on ne s'y sent pas porté par l'éblouissement de quelque chose aperçu sur un écran, cela peut être simplement un film, un grand film qui flotte au-dessus des autres et qui, lors d'une année morne comme celle-ci, sache aussi nous les faire oublier. Lors des dernières éditions du Festival, celui-là a pu s'appeler Oncle Boonmee ou Holy Motors et, cette année, il n'y en a pour l'heure pas d'autre pareil à la Vie d'Adèle. Le voilà donc enfin, ce grand film que l'on attendait de la compétition depuis huit jours (soit, en temps cannois, quelque chose comme un siècle), qui inscrit en nos regards usés un au-delà d'hébétude, un grand film qui, justement, semble aussi un geste réconciliateur. D'abord, parce qu'il nous permet de nous raccommoder avec une compétition 2013 jusque-là sans cime. Ensuite en ce qu'il marque notre réconciliation avec le cinéma de Kechiche, dont le précédent film, Vénus noire (2010),