Dans une scène de la Vie d'Adèle, les deux héroïnes, amoureuses, se disputent violemment. Elles se beuglent dessus, l'une explose en sanglots morveux tandis que l'autre, ivre de rage, la fout dehors. Ainsi synthétisé, le moment pourrait avoir tout de la performance insupportable de deux actrices singeant l'hystérie qui auraient déclenché l'interrupteur «colère et larmes». C'est tout l'inverse. A l'écran, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux sont d'une justesse rare, et il serait impossible d'énumérer les nombreux moments de grâce qu'elles essaiment devant la caméra d'Abdellatif Kechiche (lire aussi pages 22-23). Et cette double présence agite le Festival depuis les premières projections presse, donne au film un parfum sensationnel et un incroyable attrait au sein du ballet promotionnel.
«Eprouvant». La plage où ont lieu les entretiens est noire d'une foule de journalistes, parqués façon bétail. Un homme est là, négocie avec une attachée de presse pour obtenir un mot des deux filles, et, refoulé, quitte les lieux, confie : «Je voulais juste les voir.» Les voir, elles, Adèle et Léa, l'une, novice de 18 ans, impressionnée par «la folie» de ce qui l'entoure, et l'autre, 27 ans, plus rodée, qui promène sa superbe mine de chat boudeur sur tout ce cirque. Elles sont amies, rigolent ensemble, se taquinent. «On est très complices, estime Léa Seydoux. Heureusement qu'elle était là.» Adèle Exarchop