Le cinéma de Jarmusch a toujours eu quelque chose de profondément garçon. Jarmusch lui-même, qui frise désormais la soixantaine, ne s'est jamais départi de ce profil un peu faustien de jeune homme prolongé. Face à Only Lovers Left Alive, on imagine très bien comment il a dû, dans sa vraie jeunesse, hésiter longuement pour savoir laquelle des stratégies était la meilleure pour draguer les filles : être musicien ou faire des films ?
Pratiquement tout son cinéma oscille encore vers cette fascination supérieure, peut-être ce remords, que la musique, les guitares, les instruments, les musiciens, incarnent pour lui, mais Only Lovers Left Alive atteint de ce point de vue une sorte d'apogée : à l'échelle de Jarmusch, c'est un peu son chant du monde, la symphonie romantique et décalée dont nul ne pouvait soupçonner à quel point on l'attendait. Incidemment, le film a délivré l'une des plus belles bandes-son du Festival (1).
Depuis quand n'étions-nous pas tombés si amoureux de l'amour ? Car Only Lovers…, c'est d'abord cela : le tableau racé, élégant, presque capiteux d'un magnifique amour. Ils sont vampires, donc immortels, s'appellent Adam et Eve, vivent l'une à Tanger, l'autre à Détroit, et ont développé, par-dessus les siècles, une relation dont l'harmonie merveilleuse illumine chaque plan. Une relation qui semble tendre par-dessus les temps et les continents un arc sensuel et philosophique, sous le ciel nocturne et étoilé d'un hédonisme nietzschéen enfin ac