Que voyait, que pouvait voir, un critique de 1936 découvrant le Fils unique de Yasujiro Ozu ? Etait-il sensible à la pureté et à l'immédiateté de ce cinéma de cristal qui, vu d'ici, ressemble à un paradis perdu ? Ozu a 33 ans quand il tourne ce film resté inédit en France, et qui est aussi son premier parlant. Il est alors cinéaste depuis une dizaine d'années, mais a déjà réalisé plus de trente œuvres, pour beaucoup disparues. Ozu ne se convertit au parlant que tardivement, la technique existant depuis plus de six ans lorsqu'il y consent enfin, à contrecœur, comme il traînera des pieds plus tard pour passer à la couleur.
Maquette. La trame du Fils, ténue et édifiante, est placée sous le signe de cette citation implacable, empruntée aux Paroles d'un nain de Ryonosuke Akutagawa : «Le drame de la vie commence avec le lien entre parents et enfants.» On y voit une veuve courage de l'arrière-pays sacrifier les maigres revenus que lui procure son emploi dans une filature de soie pour payer le lycée à son jeune garçon. Treize ans plus tard, celui-ci s'est installé à Tokyo, où sa mère lui rend visite, découvrant la vie misérable qu'il tentait de lui cacher.
De nombreux intermèdes construisent un rude tableau du Japon ouvrier d’avant-guerre : des terrains vagues urbains boueux où vaquent les enfants mal nourris, des fileuses dormant à même leurs usines de textiles et rappelant la Chine d’aujourd’hui, un vieux prof