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Libération
Reportage

Voyage chez Jean-Luc Godard

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Reportage en Suisse sur le tournage d’«Adieu au langage».
Photogramme extrait d'«Adieu au langage». (Photo DR )
publié le 25 juin 2013 à 22h56
(mis à jour le 28 juin 2013 à 10h12)

J’aurais aimé arriver en Suisse par bateau, depuis l’autre rive du lac Léman, juste en face, du côté d’Evian et Thonon-les-Bains. Cela aurait donné plus de consistance à ce sentiment déjà mordant de vivre dans un roman d’Adalbert Stifter, l’Homme sans postérité, ramant à la rencontre de mon génie préféré dans son repaire helvète de Rolle. Seulement je ne suis plus un jeune homme, je ne navigue pas sur une barque mais en TGV, via Genève, et la postérité du grand homme est assurée depuis longtemps puisque l’ermite du lac s’appelle Jean-Luc Godard.

Génie n’est pas une question de valeur. Il ne s’agit pas de dire que Godard est le plus grand génie du cinéma moderne, même si cette cause sans intérêt serait possiblement plaidable. C’est plutôt à la fois une question d’esprit (le bon, le mauvais génie et tout ce qu’ils nous inspirent) et une manière de qualifier un grand artiste extrêmement différent des autres. Trop singulier pour ne pas être ou fou, ou génial, ou les deux. Avec Godard, on peut au moins tous se mettre d’accord sur ce point : il y a une exceptionnalité du cas.

Puisqu’on en est à régler les grandes questions embarrassantes, débarrassons-nous aussi de la qualification, plus pénible encore, de mythe. Oui, sans doute, le nom de Godard (et nous disons bien le nom, pas la personne ni même son cinéma) a atteint un statut qui ressemble fort à un mythe. A peine prononcé, le syntagme Godard vaut pour tout un tas d’autres choses que nous y projetons et qui n’ont pas forc