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Critique

«Amore Carne»: la ballade du Pippo fêlé

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Docu. Le comédien happe des artistes, des auteurs morts et sa mère dans son labyrinthe délirant.
publié le 25 juin 2013 à 20h16
(mis à jour le 26 juin 2013 à 10h39)

Détester ce qu'on aurait pu devenir. Haïr ce qu'on est devenu. Passer beaucoup de son temps à épier les autres, les espionner dans leurs faits et gestes, voire leur intimité, par les moyens miniatures d'une caméra incluse dans un téléphone portable. Amore Carne n'a apparemment pas grand-chose à voir avec l'amour, peu avec la chair, sinon pour rappeler qu'elle est triste (hélas). Voilà pourtant que sur ce fond de décor neurasthénique, Pippo Delbono raconte aussi une histoire de fou qui est pour grande partie l'histoire de sa vie et qui exhausse la dépression.

Nappe en plastique. Son récit démarre par un hommage à l'hommage que le festival d'Avignon rendit à Pina Bausch, l'année de sa mort. Sur le sol, un tapis de fleurs rouges où Pippo Delbono voit des failles, des fêlures, des crevasses. Cela dit et filmé pour expliquer que depuis une trentaine d'années, il vit avec un œil droit très abîmé, zébré de cicatrices qui lui donnent l'impression de voir le monde comme s'il était plongé sous l'eau. Le film est troué de ce genre d'associations troublées, le plus souvent funèbre. Car le lit de fleurs lui suggère aussi une certaine nappe en plastique sur la table de la cuisine de sa vieille mère. Qu'il filme elle aussi à son insu tandis qu'elle lui débite des conseils exténuants pour bien s'alimenter, maigrir, mener une vie saine. Le hasard fait que la caméra arrête subitement d'enregistrer le son. Le filmage devient muet mais Pippo Delbono