Dans l'une des premières scènes des Salauds, une femme est au commissariat, deux policières l'interrogeant sur son époux, qui s'est suicidé dans la nuit. Le lieu est minable, la lumière, blafarde, et les fliquettes, revêches. Claire Denis donne ici le ton, prouve son emprunt aux codes du polar et de la série B, soit des formes essentiellement impures. Mais la réalisatrice est trop maligne pour réduire l'intrigue policière à sa forme la plus basique, à son trio traditionnel tueur-victime-témoin. Elle dépasse la simple question du coupable et de son motif, adjoint au genre une foultitude d'autres interrogations : qu'est-ce qu'un salaud ? Qui en est un ? Est-il celui que l'on croit ? Peut-on en tomber amoureux ?
Explosion. Pour esquisser des réponses, elle met en scène une intrigue touffue. Acculé par un homme d'affaires que l'on soupçonne véreux, un industriel se suicide. Sa fille adolescente tente d'imiter son père, s'immerge dans une spirale autodestructrice. Le frère de la veuve, un marin (Vincent Lindon), revient en France pour venger sa famille. Il s'installe dans l'immeuble cossu où vit le salaud en chef. Et, depuis un appartement vide, surveille la jeune épouse de ce dernier (Chiara Mastroianni), la séduit.
Voilà pour l'histoire, dont, curieusement, Claire Denis ne parvient jamais à se détacher réellement, oscillant entre explosion formelle et retour au scénario. Elle complique sa propre donne, joue avec le malaise du spectat