Heinrich von Kleist n'aurait pas aimé Charles Bronson : se faire justice par soi-même devant «l'odieuse perversité du monde», cette idée l'horrifie, car elle met l'homme hors de lui, de la communauté, de l'Etat. Elle le dispense surtout de l'humilité que, soumis à Dieu, il ne devrait jamais cesser d'éprouver. C'est l'aventure de ce sentiment, exorbitant mais justifié, qu'il écrit en 1808. Michael Kohlhaas est le roman, inspiré par une histoire réelle, d'un honnête marchand de chevaux allemand qui, au XVIe siècle, parce qu'il a été victime d'une injustice de la part d'un jeune baron, et parce que cette injustice n'a pas été reconnue et entraîne la mort de sa femme, devient le chef d'une révolte brutale, détruisant villes et châteaux. La terreur se développe, déstabilise le pouvoir au nom de la justice. Luther intervient pour rappeler Kohlhaas, qui le vénère, à la soumission : la rencontre entre les deux hommes est un sommet du livre. Après bien des péripéties, le marchand révolté dépose les armes. Il obtient réparation des torts qu'il a subis, tout en étant décapité pour ceux qu'il a commis. Dans la vraie vie, il fut roué.
Protestants. Kleist écrit son texte quand Napoléon Ier occupe son pays. Les horreurs de la guerre, les pillages et les désordres, il connaît. La censure et les «collègues» l'empêchent souvent de publier, de jouer ses pièces, de vivre correctement. En 1811, à 34 ans, étouffé par un