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Libération
Critique

«Léviathan»: à bateau rompu

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Fantasmagorie. «Leviathan» embarque dans un périple sensoriel et dantesque en haute mer, au cœur d’un carnage halieutique.
publié le 27 août 2013 à 19h06
(mis à jour le 28 août 2013 à 10h07)

La dernière fois que le cinéma avait eu des nouvelles de Lucien Castaing-Taylor, c'était à l'occasion de Sweet Grass, un très beau film consacré à l'ultime transhumance d'un troupeau de brebis dans le Montana. Près de trois cents kilomètres à cavaler dans la montagne, caméra sur l'épaule, en compagnie de cow-boys purs chique, de chiens pas commodes, de prédateurs divers et, donc, de quelques milliers de brebis bêlant comme des damnées.

Pour Leviathan, le cinéaste et ethnologue britannique s'est associé à la Française Véréna Paravel (lire ci-dessous) et tous deux ont choisi un terrain pas très différent en termes de férocité puisqu'il s'agit de la haute mer, sur un chalutier, au milieu de marins aguerris.

Treuils. Si traverser les immensités escarpées du Montana pouvait passer pour une épreuve exigeante, l'expérience ici relatée relève carrément de l'épouvante. L'Atlantique Nord, c'est l'enfer, et pas seulement à cause des bourrasques glacées et des paquets de mer qui balaient le pont du bateau. Le film est aussi, et même surtout, la vision dantesque d'une tuerie à grande échelle, rythmée par le son des treuils remontant les filets ventripotents, des câbles tendus à se rompre, des litres de sang et de tripailles qui jonchent le sol détrempé et des lueurs surnaturelles qui se détachent en halos entre ciel et mer.

Si le film est une observation critique d'un système détraqué, exigeant que de pauvres gens risquent cha