Dans une grande tradition documentariste, Claire Simon a décidé de faire un film en s’imposant comme contrainte géographique un lieu que chacun connaît, mais où personne ne s’arrête jamais, sauf à y être obligé. La Gare du Nord, à Paris, est une sorte de monstre urbain qui avale et recrache plus d’un demi-million de personnes chaque jour. Des banlieusards, des bourgeois bien sapés ou, beaucoup plus nombreux, des salariés moins bien lotis, transitant ici le temps de prendre une correspondance, mais aussi des touristes en goguette qui vont ou viennent de Londres, d’Allemagne, des Pays-Bas ou de Roissy, des supporteurs de foot, toute une faune qui ne fait que passer et dont la gare, qu’elle fasse partie de leur vie quotidienne ou qu’ils la parcourent pour la première fois, n’est qu’une étape sur leur chemin.
Pilastres. La cinéaste s'est intéressée principalement à ceux, justement, qui restent. Les commerçants emmurés vivants dans leurs boutiques à deux niveaux sous terre, les flics et les vigiles qui patrouillent sans cesse, les clodos, les routards qui s'attardent, les familles de Roumains, les jeunes glandeurs de la gare souterraine qui tchatchent toute la journée, les petits escrocs… Une cour sans miracle, plantée dans le ventre de la bête, où se croisent à peu près toutes les nationalités du monde dans une agitation assourdissante sans que, paradoxalement, rien se semble jamais se passer.
De son considérable travail de préparation, Cla