Shirley Clarke meurt à 78 ans, le 23 septembre 1997. Le 4 octobre suivant, Libération recevait une lettre tapuscrite en anglais de Jonas Mekas intitulée «Shirley Clarke Is Not Dead». En voici un large extrait, avec notamment une autre figure féminine fameuse de la scène new-yorkaise indépendante, la cinéaste Maya Deren, disparue en 1961.
«Si je me replonge dans le milieu des années 50 à New York, je vois deux maisons : celle de Maya Deren et celle de Shirley. Elles étaient célèbres pour leurs fêtes du jour de l'an. Celle de Maya représentait l'intellect, l'esthétique, le formalisme et les envolées imprévisibles de l'irrationnel. Celle de Shirley, l'humanisme, le terre-à-terre, la poésie démocratique de tous les jours. Il en va des fêtes comme de l'art. Si l'on ne peut décrire le cinéma de Maya autrement que par le terme d'"avant-garde", c'est celui d'"indépendant", avec tout ce qu'il implique, qui sied le mieux au cinéma de Shirley. Ses films sont personnels, non hollywoodiens, mais pas forcément d'avant-garde. Ils sont marqués par une sorte de sensibilité humaniste particulière à Shirley, par des improvisations et des hasards intuitifs et contrôlés (une direction que Maya n'aimait pas du tout) et une volonté délibérée d'éviter le formalisme. Même le montage de ses films n'est pas "eisensteinien", mais fait avec intuition et humanisme. Ce même humanisme et l'absence de prétention transparaissent dans tous ses sujets. L'être humain est toujours au premier plan, que ce