En octobre 68, Shirley Clarke déclarait dans les Cahiers du cinéma : «Je suis heureuse que mon premier film s'est déformé de telle façon qu'on ne peut plus le rééditer. La moitié du négatif de mon second a été perdu, si bien qu'il est invisible également. Et pour le troisième, c'est la couleur qui est en train de s'évanouir.» Shirley Clarke continue sur le même ton lorsqu'elle évoque ses tout premiers films de danse, où elle apprit le métier avec une caméra reçue en cadeau de mariage : «Je n'aurais jamais pensé que leur disparition me serait indifférente. Et pourtant, c'est le cas !» Elle ajoute : «Les films sont faits pour leur époque. Ceux que j'ai tournés dans le passé ne m'intéressent plus. Cela dit, je serais désolée si certains classiques disparaissaient. Mais serait-ce d'une si extraordinaire importance ?»
Shirley Clarke a été entendue. Rares sont ceux qui connaissent même son nom. On cherche des jeunes cinéastes qu'elle aurait pu influencer. En vain. Seule Justine Triet (la Bataille de Solférino) cite son Portrait of Jason, qu'elle a vu «d'innombrables fois», et qui l'a marquée aussi fortement «que des films d'Eustache, par son dispositif, qui mêle le show et la décomposition d'une vie».
Effacement.Clarke fut pourtant une cinéaste phare, admirée par Kazan et Bergman. Mais un phare clignotant, qui s'éteignit dans les années 70, pour cause de cyclone psychique. S