Rencontrer Abdellatif Kechiche n'est pas une mince affaire. Pendant quinze jours, les rendez-vous ont été promis, reportés, annulés, rétablis. Finalement, mercredi vers 17 heures, un coup de fil nous annonce qu'il est possible de le voir le soir même, à Belleville, vers 21 heures. L'interview va durer plus de trois heures. Le cinéaste joue le jeu et en même temps casse les règles. On a l'impression qu'il a besoin d'abord de se dérober avant, comme il dit, de «donner» de sa personne. La rumeur le dit complètement déprimé par les polémiques qui n'ont cessé de se succéder depuis Cannes. Pourtant, il n'hésite pas à verser ici et là de nouvelles rasades de vinaigre sur les plaies. Il apparaît charmeur, intense, à la fois émotif et cassant.
Comment avez-vous découvert la bande dessinée de Julie Maroh le Bleu est une couleur chaude ?
Par hasard, un jour, en traînant dans les rayonnages de la Fnac, j’ai feuilleté l’album, j’ai vu les planches que je trouvais très belles avec un style, une architecture forte. En la lisant, j’ai senti que je pouvais à travers cette rencontre entre deux jeunes filles, Adèle et Emma, développer plusieurs thématiques que j’avais déjà abordées dans mes films : la passion amoureuse, la liberté, la révolte, la transgression.
Le fait de représenter un amour homosexuel avait-il pour vous un sens ou une importance particulière ?
Le danger était de mettre trop en avant cette homosexualité, d’être trop direct sur c