Quand ils partent, les autres emportent tout, «même les pots de chambre», note Jakob Simon, le héros du dernier volet de Heimat, épilogue pour grand écran de la série télévisée d'Edgar Reitz et saut en arrière dans le temps. «Moi, je partirai sans rien.» Pas de malles, de trousseaux, d'outils, d'ustensiles à fabriquer de la saucisse de pommes de terre, tous ces pauvres biens qui gonflent les chariots des émigrants du Hunsrück, région sur la rive droite du Rhin, où se situe Schabbach, le village de la famille Simon. Pour Jakob, pas de violon non plus comme le héros de Scènes de la vie d'un propre à rien, de l'écrivain Eichendorff, figure phare du romantisme allemand et contemporain des personnages de Reitz. Mais certainement des livres et une besace avec du pain noir.
Au milieu du XIXe siècle (le film en deux épisodes s'étale sur trois ans, de 1842 à 1844), le temps déréglé, les mauvaises récoltes, les abus de l'aristocratie déclenchent un grand mouvement d'exode chez les paysans du Hunsrück, épuisés par la misère et un froid à geler les tombes. Des familles entières optent pour un voyage sans retour au Brésil, pour cet eldorado décrit par les bateleurs de l'empereur Dom Pedro II, qui «recrutent» jusque dans les tavernes, à grand renfort de battements de tambours, de promesses et d'alcool. Un épisode historique réel, mal connu du grand public, pour lequel l'émigration allemande se limite à la fuite des persécutés du IIIe