L'escale pourrait être le nom d'un rade sympathique où brasser entre amis l'avenir du futur. Mais ici, l'Escale est le titre d'un documentaire implacable et glaçant de Kaveh Bakhtiari qui a planté sa caméra dans le cœur d'une histoire de famille mutant sous nous yeux en naufrage collectif.
Invité à Athènes pour y présenter un de ses courts métrages, le réalisateur, d'origine iranienne mais grandi en Suisse, apprend qu'un de ses cousins, Mohsen, parvenu clandestinement en Grèce via la Turquie, est incarcéré dans une prison de la ville. Bakhtiari lâche tout, mais pas sa caméra pour filmer la sortie de taule de Mohsen, un grand gars dont le sourire est augmenté par une balafre ancienne. «Te voilà, dit Mohsen à son cousin Kaveh, et déjà tu filmes !»
En effet, Kaveh Bakhtiari filme «déjà» et ne va jamais cesser, Mohsen lui servant de passeur vers le monde qu'il habite, un univers littéralement sous-terrain. En l'espèce, la «pension» d'Amir, un entresol exigu où se serrent sept clandestins iraniens et une réfugiée arménienne, qui tous cherchent à «aller plus loin en Europe». C'est-à-dire, totalement à la merci de passeurs arnaqueurs qui, à coup de faux passeports lourdement facturés, leur promettent l'eldorado d'un départ vers l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, l'Amérique.
Chance. Pendant plus d'un an, Kaveh Bakhtiari, équipé d'une petite caméra numérique, est devenu à son tour le locataire de ce havre d'in