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Libération
CRITIQUE

«Eka et Natia, chronique d'une jeunesse géorgienne»: les deux font la peur

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Amitié adolescente dans le Tbilissi viriloïde post-URSS.
publié le 26 novembre 2013 à 18h10

A Tbilissi, dans la Géorgie indépendante née après l’effondrement de l’URSS, Eka et Natia sont deux adolescentes (plus ou moins 14 ans) qui se faufilent dans les ruines de leur pays : ruines morales autant que sociales et politiques, le repère du «civisme» soviétique s’étant totalement évaporé sans que les «valeurs» du capitalisme occidental aient encore pris le relais.

Potacheries. Cette débâcle est filmée de front, aussi bien dans l'intimité des familles (où la violence domestique naît de la violence sociale) que dans la zone publique. A l'école que fréquentent les deux gamines, l'autorité des profs s'effrite sous les coups de potacheries de plus en plus contestatrices. Dans la rue, une seule scène de queue devant une boulangerie dit tout : la disette de l'époque, la docilité terrorisée des pauvres gens mais aussi le système des privilèges sociaux et de la corruption institutionnalisée (ce sont deux soldats en armes qui grillent la file d'attente et n'ont même pas besoin de menacer pour être servi les premiers).

La grande et belle affaire du film, c’est l’amitié romanesque qui lie Eta et Natia. Leur alliance, faite pour beaucoup de fous rires et de tocades de leur âge, est surtout un front du refus. Si la liberté retrouvée fut la grande avancée de la Géorgie au début des années 90, l’émancipation des femmes, a fortiori des filles, n’était apparemment pas à l’ordre du jour. Père bestialement autoritaire, gamins de rues prompts à insulter