«Si le monde est dépravé, alors soyons-le aussi.» En 1965, sous le ciel cafardeux de la République socialiste tchécoslovaque, ce mot d'ordre est celui de deux praguoises jeunes et jolies, Marie I et Marie II, lancées dans une délectable succession d'exactions désordonnées, délicieusement camp, qui mettent à mal tant les conventions sociales que celles du cinéma d'alors, en même temps qu'elles composent la trame frénétique des Petites marguerites.
Une merveille retrouvée de la nouvelle vague tchèque signée Vera Chytilová, féministe en diable, d'une inventivité folle, punk avant la lettre. Un film dont la forme s'éclate sans cesse dans un fracas coloré, comme portée par une affirmation de liberté jetée à la face du conformisme d'alors, d'un ordre virilo-bourgeois établi (ici figuré par les corps lourds des notables que les jeunes filles s'amusent à séduire pour mieux les tourner en ridicule), et plus généralement de l'ennui. Alors que le film ressort aujourd'hui en salle et en copie restaurée, grâce à Malavida (qui en avait déjà orchestré l'édition DVD), nous avons rencontré à Paris l'une de ses deux interprètes. Jitka Cerhová est aujourd'hui une très élégante dame au français aussi précieux que prudent, qui se souvient combien les Petites marguerites ont pu faire dévier sa vie.
«C'est seulement la deuxième fois que je prends part à une interview. La dernière fois, c'était en 1965, l'année où nous avons tourné les Petites Marguerites. L'année de me