Dans son bureau de Pékin où il nous reçoit, tout le monde l'appelle «Jia dao» («metteur en scène Jia»). Avec A Touch of Sin, Jia Zhangke vient de réaliser l'un des films les plus forts et les plus dérangeants de sa carrière. Sa sortie en Chine, prévue en novembre, a été repoussée sine die par la censure. «Il plane sur la Chine une odeur d'explosion sociale, nous disait-il en juillet, et il fallait en parler.» Il fallait raconter cette «société anormale» labourée par «un profond sentiment d'inégalité», où «face à l'inextricable, de plus en plus d'individus ont recours à la violence pour se faire entendre».
Les attentats antigouvernement survenus récemment sur la place Tiananmen et à Taiyuan (1) ont-ils incité les autorités à repousser la sortie de A Touch of Sin ?
C'est une des raisons. Ces événements qui inquiètent beaucoup les autorités ont conduit le Bureau de la radio, de la télévision et du cinéma [la censure, ndlr] à reconsidérer leur décision initiale, prise au mois d'avril, de diffuser le film. Ils pensent qu'il pourrait avoir un «impact social négatif». Ce qui est toutefois rassurant, c'est que, jusqu'alors, les autorités n'ont pas décrété qu'il était interdit, et qu'il y a encore un espoir qu'il sorte un jour.
Comment marche la censure ?
Les films sont visionnés par un comité de censure, qui rend au metteur en scène un avis motivé par écrit. Ce dernier peut répondre point par point et négocier des modifications, ou refuser d’en faire en présentant des arguments.
Qu’avez-vous changé dans A Touch of Sin ?
Des détails, principalement des dialogues. Dans le scrip