Au risque de surprendre, Le vent se lève nous a rappelé un autre dernier film d'un autre génie du cinéma : Eyes Wide Shut, de Kubrick. Bien sûr, l'Américain n'avait pas anticipé sa mort soudaine et encore moins pris, comme Miyazaki, une retraite préventive. Mais le film de Kubrick, sa facture étrangement hors d'âge, son obsession sexuelle traitée sur le mode d'une cérémonie frigide hébétée, le douloureux parcours du héros interprété par Tom Cruise comme avalé dans sa propre angoisse, on la retrouve dans ce mélodrame historique stupéfiant. Au fond, un grand cinéaste sait qu'il lui faut, tôt ou tard, faire la théorie de lui-même comme un Autre radicalement séparé, puissamment opaque qu'il n'a cessé toute sa vie d'emmailloter tel un enfant malingre des somptueux langes tissés d'or de la fable. Le dernier film présente cet enfant dans la nudité ultime du vieillard pressentant la mort, offert à la trahison d'un art dont le caractère rédempteur se dérobe soudain devant la cruauté têtue de la réalité.
Pearl Harbor. Car Le vent se lève se présente intégralement sous le signe de la catastrophe et de l'aveuglement. Il nous transporte dans les années 20 sur les traces de Jirō Horikoshi, un ingénieur ayant véritablement existé et qui fut le concepteur de l'avion de combat A6M Zero (le «Rei-sen»), redoutable chasseur bombardier, véloce et carnassier, un bijou technique qui fit des ravages lors de l'attaque de Pearl Harbour.