A l’âge de 6 ans, à Milan, dans les guibolles noires de Benito, un petit-fils de garibaldien nommé Dino Risi joue du violon et dit à son maître en pleine classe :
«Je suis libre penseur.»
«C’est vrai que tu es libre penseur ?»
demande une gamine.
«Pour toute réponse, je l’empoignai et l’embrassai. Elle le raconta à son père, capitaine de la milice, et le directeur me renvoya pour quinze jours.»
Qu’importe : Dino aime les filles, mais déteste l’école. Jusqu’à cet âge, écrit-il dans
Mes Monstres,
«nos fils sont à nous, tant que leurs yeux s’ouvrent sur le monde et que tout ce qu’ils voient leur apparaît pour la première fois. […] Puis, l’école vient s’emparer d’eux et les bombarde de lieux communs, de phrases toutes faites, d’opinions qu’ils n’ont pas choisies. Quiconque se sort indemne des premières années d’école a de bonnes chances de s’en tirer dans la vie».
Heureusement pour nous, ce fut son cas.
C’est à titre posthume, comme un diable sortant de la boîte à cadavres pour faire rire une dernière fois les lecteurs, ces survivants, que paraissent en France les mémoires du maître de la comédie italienne : un plaisir rare, où la délicatesse s’exprime par la brièveté (des textes) et l’excès (de leur contenu).
Le metteur en scène est mort en 2008, à 91 ans. Le titre est naturellement une allusion à son célèbre film à sketchs, les Monstres (1963), dont il reproduit la structure et l'esprit : souvenirs éclatés, par scènes allant d'un pa