La profusion de belles images ne fait pas nécessairement un très bon film. A propos d'Ida, il serait ainsi tentant de s'extasier en priorité sur le noir et blanc de la photo, si sophistiqué qu'il semble parfois imperceptiblement teinté, sur les cadrages déroutants presque toujours à contre-emploi d'une grammaire académique, ou sur les portraits magnifiés par le choix d'un écran quatre tiers aux dimensions d'un autre âge. Il s'agirait alors, et ce n'est déjà pas si mal, de traduire la pertinence de ces images qui, par le double artifice formel de la privation de couleurs et d'un format à l'ancienne, imposent d'emblée le parfum d'un passé oublié, en l'occurrence les années 60 en Pologne.
Il s'agirait également de rendre hommage au talent d'un tout jeune chef opérateur, Lukasz Zal, qui, si on en croit le réalisateur, a remplacé au pied levé Ryszard Lenczewski, vieux complice de Pawel Pawlikowski, et qui manie avec une aisance déconcertante cette lumière charbonneuse sur tous les tons. Alors oui, Ida est un très beau film, probablement l'unique représentant de son esthétique austère, mais le trouble qu'il suggère réside bien davantage dans une terrible question existentielle que se posent, sans jamais la formuler, deux femmes dont les chemins se croisent.
Ida (Agatha Trzebuchowska) et sa tante Wanda (Agata Kulesza). Photo Sylwester Kazmierczak
L’une, Anna (Agata Trzebuchowska), est une novice dans tous les sens du terme. Orpheline, elle n’a jamais rien connu d’aut