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Interview

Jarmusch, sang bleu

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Rencontre avec le cinéaste américain de 60 ans, pour la sortie de «Only Lovers Left Alive», relecture chic et rock du mythe du vampire.
publié le 18 février 2014 à 21h16

Désormais fragilisé comme jamais dans son indépendance au sein de l'industrie du cinéma américain, au point qu'il explique avoir dû renoncer pour la première fois à ce que les droits de son dernier film lui reviennent pleinement, Jim Jarmusch vient pourtant de réaliser, avec Only Lovers Left Alive, son œuvre la plus personnelle depuis une éternité. Un film saturé de fétiches, références et citations, qui paraît le musée surencombré d'un hybride d'adolescent et de vieillard dandy. Soit précisément ce que Jim Jarmusch a toujours été, et ce à quoi il ressemble plus que jamais, à 60 ans, lorsqu'on le rencontre un jour d'automne dans ce sous-sol d'hôtel germanopratin auquel sa seule présence, mi-alien mi-ange rock, confère alors aussitôt des airs de crypte.

Dans des entretiens que vous aviez donnés lors de la sortie de The Limits of Control il y a quatre ans, vous parliez déjà à demi-mots d’Only Lovers Left Alive. C’est donc un vieux projet ?

J'ai écrit la première version il y a huit ans, avec Tilda Swinton (lire page IV) et John Hurt en tête, et j'ai eu quantité de problèmes pour obtenir des financements. A l'époque, ce que j'avais écrit versait plus franchement dans le film d'horreur, mais les investisseurs éventuels considéraient qu'en tant que film de genre, ce n'était pas assez conventionnel, qu'il n'y avait pas assez d'action, ils voulaient plus de scènes de combats entre vampires ou je-ne-sais-quoi. Il faut dire qu'il est de plus en plus compliqué de monter des films indépendants qui ne répondent pas au formatage vers lequel convergent les sources d'argent pour le cinéma. C'est pourquoi sortir ce film m'a pris tant de temps, et m'a coûté au