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Vampire

«Only lovers left alive», à dents et eve

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Les déambulations de deux immortels dans les ruines de Detroit et Tanger.
Tom Hiddleston (Adam) et Tilda Swinton (Eve). Jim Jarmusch débarrasse les vampires de leurs capes et leur donne deux accessoires tendances: une paire de lunettes et des gants en cuir. (Photo Sandro Kopp)
publié le 18 février 2014 à 21h16

Sans doute n’y a-t-il pas meilleure arme contre une époque qui travaille à vous périmer sous l’injonction technique d’incessantes «mises à jour» que d’élaborer une fiction déployant les fastes du sans âge, de l’éternel présent profilé de siècle en siècle comme une somptueuse routine. Adam et Eve sont deux vampires aux allures de rock star blasées. Les hipsters existaient donc déjà au Moyen Age. Lui, intoxiqué par le mal de vivre byronien, s’est claquemuré dans une maison des faubourgs en décomposition de Detroit, travaillant seul des morceaux de musique électrique qu’il ne veut surtout pas éditer mais que des «rockers» fans piratent et diffusent. Elle est une esthète capable de lire à toute vitesse des livres en français, allemand ou japonais, confinée dans un pandémonium oriental à Tanger qu’elle ne quitte que pour traverser la médina et rejoindre son ami et poète Christopher Marlowe au café des Mille et Une Nuit - Marlowe qui, contrairement à ce que prétend Wikipédia, n’a pas disparu le 30 mai 1593. Pour tenir physiquement le coup, sans sauter à la gorge de leurs contemporains qu’ils contemplent de loin et nomment avec une pointe de dédain les «zombies», ces vampires smart ont trouvé des dealers de sang de qualité, ponctionné sur les réserves de transfusion d’hôpitaux alentour. Le breuvage écarlate est siroté dans des verres à porto ou des fiasques de whisky, et provoque sur le champ un orgasme irradiant similaire au flash d’un shoot à l’héroïne.