Les spectres n'ont pas d'âge : malgré ses 40 ans, Phantom of the Paradise affiche un teint de jeune fille, rehaussé par une version restaurée. Sa jeunesse est d'ailleurs un peu exaspérante. C'est comme s'il avait passé avec profit un cap redouté entre tous : le purgatoire des années 70 et leur laideur certaine en costumes, maquillages ou coiffures, devenues ici bénignes, presque touchantes.
Il nous revient au visage avec une fougue un peu humiliante elle aussi, ayant tout gardé de sa fraîcheur dévergondée, de son innocence pas nette, de sa beauté flexible ; il n'a même rien perdu de ses aimables maladresses… Phantom of the Paradise porte en fait pour l'éternité le cœur vibrant, presque emballé, d'un jeune cinéaste qui n'est pas encore devenu Brian De Palma.
Bifide. L'Américain a 33 ans lorsqu'il le tourne. S'il n'est pas un débutant à cette époque, son compteur affichant déjà cinq longs métrages à part entière et deux en coréalisation, on peut plaider que cette réinterprétation du mythe faustien délocalisé dans le monde du show-biz («He sold his soul for rock'n'roll», disait l'affiche) forme son premier coup de maître. Car en dépit de sa fraîcheur, Brian De Palma démontre qu'il en savait déjà très long sur le cinéma, sur la nature humaine et sur ses propres démons : sa vocation à vendre son âme au diable du commerce. Sorcier en apprentissage, c'est dans Phantom of the Paradise qu'il explicite, au canon,