Au moment où nous le dérangeons à Deauville, où le Festival du film asiatique lui rendait un hommage-rétrospective, Tsai Ming-liang profitait du soleil sous la verrière du Normandy. A 56 ans, la boule à zéro, tee-shirt et pantalon noirs, plus bonze que jamais, il nous a semblé avoir pris une forte dose de recul et de maturité, autant teintée par le pessimisme que par la sérénité.
L’eau est définitivement votre élément, elle inonde tout votre cinéma…
Je n'en ai pas réellement conscience… Je ne sais pas pourquoi mais j'ai depuis toujours cette image au fond de moi : l'image d'un lac. J'ai le sentiment d'être depuis toujours à la recherche d'un lac. J'en ai filmé plusieurs fois. Il y en a un dans les Chiens errants. Un lac ne permet d'aller nulle part, mais il propose une profondeur dans laquelle il faut puiser.
Souvent, les lacs sont aussi des miroirs.
Oui, comme dans ces tableaux que l’on voit au Louvre, tous ces petits étangs si beaux où se reflètent les choses.
Vous semblez engagé sur une pente radicale en matière de lenteur et de ralentissement.
Je n'arrive plus du tout à me dépêcher (rires). Lorsque j'étais jeune, j'étais toujours le premier et tout le monde courait derrière : je marchais très vite. Maintenant, j'ai vieilli, je n'ai pas une très bonne santé et je veille à ralentir mes pas. Ma lenteur est surtout le fruit d'une influence très forte sur moi de Lee Kang-sheng [son acteur fétiche depuis son premier film, ndlr], qui m'a toujours fasciné par sa façon de vivre très posément, presque au ralenti. Il développe une véritable éthique de la lenteur. Mon père aussi vivait comme ça. C'est dans la lenteur que l'on perçoit la valeur, l'intérêt