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Cinéma

«Les Chiens errants» : Taipei des braves

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Une famille dans la misère arpente la métropole taïwanaise. Rencontre avec le maître du tempo lent Tsai Ming-liang.
publié le 11 mars 2014 à 20h06

Le film de Tsai Ming-liang produit un tel effort de cinéma qu'on lui doit cette forme de respect : chercher à comprendre de quoi et comment il est fait. Il vaut mieux faire confiance, dès lors, au prosaïsme total auquel le film, de toute sa bienveillante influence, nous renvoie : les Chiens errants se compose d'un assemblage de matériaux bruts qui forment l'absolu du cinéma : des plans, des lumières, des sons, des corps. A quoi s'ajoute naturellement cet élément dont Tsai Ming-liang est peut-être le plus grand maître contemporain : le temps. Commençons par là, puisque c'est ce qui caractérise le mieux son cinéma et que certains ont parfois choisi pour angle d'attaque contre lui : son rapport au temps, et plus précisément à cette façon qu'a le temps d'à la fois courir et durer. Oui, le temps court et dure en même temps, et il n'y a pas mieux qu'une immersion dans le cinéma de Tsai pour éprouver ce merveilleux phénomène.

Lorsqu’il filme son héros, Hsiao-kang (Lee Kang-shen), en plan fixe sous une violente averse dans les rues de Taipei, Tsai Ming-liang ne fait pas durer la scène par vanité à l’égard du spectateur ou sadisme envers son acteur. Au fil des minutes, c’est tout un volume d’espace et de temps qui se déploie, grandement aidé en cela par une fabuleuse bande-son.

A sa façon, les Chiens errants est un Opéra de quat'sous des antipodes, qui voit Hsiao-kang et ses deux enfants, adorables bouts de chou qu'on croirait échappés d'un manga, hanter les