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Interview

Wang Bing: «Ceux qui travaillent le plus ne possèdent rien»

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Découvert il y a dix ans, le réalisateur porte un regard impitoyable sur le développement à marche forcée de la Chine, notamment dans le sud du pays :
Wang Bing, le 6 avril à Paris. (Photo Frédéric Stucin)
publié le 15 avril 2014 à 18h06

Wang Bing, 47 ans, ne quittera pas sa doudoune pendant tout l'entretien, qui se déroule dans un appartement parisien un jour printanier. Il répond longuement aux questions alors qu'on se souvenait d'une première interview en 2003 pour la sortie d'A l'ouest des rails, où il s'était montré nettement plus taiseux. Modeste, il s'étonne de cette rétrospective à Beaubourg - «dans le milieu cinématographique, je ne suis pas encore quelqu'un de très important» -, lui qui arpente désormais les plus grands festivals avec des films sidérants. Il était encore à Venise en septembre pour Til Madness Do Us Part, 3 h 50 d'immersion en vase clos et à ciel ouvert dans un hôpital psychiatrique du Yunnan.

Pourquoi avoir choisi de tourner dans la province méridionale du Yunnan ?

Parce que le bouleversement de la société et de l'économie en Chine ne se passe pas vraiment le long du fleuve Jaune - c'est-à-dire dans le Nord -, où j'ai tourné notamment A l'ouest des rails il y a dix ans. L'épicentre du changement culturel, humain, politique et économique en Chine se passera vraiment sur l'axe du fleuve Yang-Tsé, dans le Sud. La politique économique de la Chine commence par Shanghai et, peu à peu, remonte le long du fleuve à travers des villes énormes telles que Nanjing, Wuhan, Chongqing, Chengdu. Et traverse le Yunnan, qui a longtemps été une des provinces délaissées du pays et qui, désormais, connaît d'importants investissements pour se développer.

Dansles Trois Sœurs du Yunnan, on découvre le dénuement incroyable de ces paysans montagnards. Qu’est-ce qui explique une telle pauvreté ?

On peut voir dans le film que les montagnes sont totalement pelées. Or, autrefois, elles é