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Libération
CRITIQUE

«L'été des poissons volants» : la carpe et le territoire

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Tragédie familiale lovée dans un voluptueux Chili, aux confins de mondes imaginaires.
La jeune Manena (Francisca Walker) à langueur de journée. (Photo DR)
publié le 22 avril 2014 à 18h06

Jusqu'ici documentariste (avec notamment I Love Pinochet et Opus Dei, une croisade silencieuse), la Chilienne Marcela Said réussit un étonnant passage vers la fiction avec l'Eté des poissons volants. Cette impression de passage est à prendre au sens figuré comme propre : la cinéaste donne réellement le sentiment d'avoir d'abord campé dans une épaisse forêt du sud du Chili, observé la nature réelle et communié avec elle jusqu'à l'intimité, dans un processus d'appropriation profond, avant d'en tailler la végétation, de creuser dans sa touffeur le chemin qui conduit directement vers le caractère fantastique de cette nature. Marcela Said a ensuite placé sur son théâtre de verdure des hommes, femmes et adolescents, lestés de leur inévitable absurdité tragique, et a tissé entre ces êtres et leur grandiose décor les liens d'une histoire forte, à la fois familiale, politique, sentimentale et initiatique.

Petit tyran. Nous sommes donc au cœur d'une jungle inconnue, dans le domaine du riche propriétaire terrien Pancho, qui présente un versant débonnaire mais aussi celui d'un authentique petit tyran domestique. La famille passe là de longues vacances d'été, dans une langueur que l'on aimerait partager. Manena (Francisca Walker), brunette d'une quinzaine d'années, jolie, mutique et taciturne, est la véritable héroïne du film, celle dont les yeux langoureux nous transmettent les corps, les paysages et les affects. Entre l'ap