Longtemps, Kelly Reichardt a construit tout son cinéma sur une entreprise de démolition aussi douce qu’implacable de toutes les illusions d’une époque dont elle s’estime l’héritière. Dans Old Joy (2006), deux vieux amis célèbrent leurs retrouvailles en s’enfonçant au cœur de l’Oregon sauvage pour découvrir que la frontière qu’ils recherchent est celle, banalement sociale, qui les a séparés il y a longtemps. Dans Wendy and Lucy (2008), road-movie frappé de catatonie, une descendante de Kerouac comprend que la fameuse «route» ne mène plus, au mieux, qu’au parking sale d’un supermarché.
Engrais. Dans Night Moves, la cinéaste américaine poursuit son exploration du désenchantement, mais quitte les sentiers délicats d'une affaire intime pour s'attaquer à une grosse histoire, un de ces faits divers tragiques qui font généralement la matière première des thrillers échevelés. Autrement dit, ce que Night Moves n'est pas. Trois activistes écolos décident de «réveiller les gens» en faisant sauter un barrage sur une rivière jadis sauvage. Après une longuette mise en place, les trois compères vont au bout de leur projet, provoquant une catastrophe dont ils n'avaient jamais imaginé l'ampleur. Commence alors un autre film, intimiste cette fois,